Les nouvelles du vendredi 16 décembre 2011 étaient particulièrement catastrophiques pour les pays Européens qui s’en préoccupent : Standard & Poor’s envisagerait une dégradation de la note de la France avant les fêtes de fin d’année, Moody’s a dégradé la note de la Belgique de deux crans, et Fitch a mis la Belgique, l’Espagne, la Slovénie, l’Italie, l’Irlande et Chypre sous surveillance négative. Fitch a également déclaré qu’une solution de la crise de la zone Euro était techniquement et politiquement hors d’atteinte.

Les agences de notation agissent avec prudence et lenteur face à la détérioration de la solvabilité. Ceci est particulièrement le cas lorsque la décision sur une notation possède une composante politique, comme c’est le cas avec les risques dans la zone Euro. Dans un sens, les agences de notation ne font donc que rendre public des faits que des investisseurs avertis savent déjà depuis un certain temps. Il y a néanmoins de multiples raisons pour lesquelles les gouvernements ont des réactions négatives face à une dégradation de leur notation. Une baisse a en effet un impact réel qu’il ne faut pas sous-estimer.

Peu importe à quel point les problèmes, auxquels un pays est confronté, sont connus de tous, les mauvaises nouvelles financières sont cumulatifs. A chaque fois qu’une note est dégradée ou qu’une perspective économique est mise en question, le pointeur se déplace un peu plus vers la zone de danger. Cela a pour conséquence que les investisseurs en obligations de cet Etat demandent un rendement légèrement supérieur afin de compenser un risque de défaut en légère hausse.

Les investisseurs institutionnels acheteurs d’obligations doivent également parfois tenir compte de contraintes réglementaires ou juridiques ainsi que des réactions de leurs clients. Si un fond obligataire international a besoin de maintenir le risque moyen de son portefeuille à un certain niveau, il va logiquement réduire sa position sur des titres qui viennent d’être dégradés. Dans certains cas il peut aussi avoir une notation minimum à respecter, et se voir contraint de liquider complètement cette position.

Dans le cas des obligations d’entreprises (corporate bonds), la dégradation d’une note n’affecte en général seulement l’entreprise émettrice. Dans le cas de la zone euro, les relations économiques et financières sont tellement inextricables et complexes, que les dégâts potentiels d’une dégradation sont grandement multipliés. Il y en fait trois manières dans lesquelles de mauvais ratings peuvent aggraver la crise de l’euro :

Des coûts de refinancement accrus

Pour tout emprunteur, entreprise ou Etat, vaut que plus le rating est mauvais, plus il aura à payer un taux d’intérêt élevé. Pour les pays les plus endettés de la zone Euro, cela est devenu un cercle vicieux. Si un pays est endetté au-delà de 100% de son Produit Intérieur Brut (PIB) annuel, même une faible augmentation des taux d’intérêts signifie des milliards d’euros de coûts additionnels lorsque d’anciennes émissions obligataires arrivent à échéance et doivent être remplacées par de nouvelles. Ceci a été une menace pour l’Italie récemment, qui aurait probablement pu continuer à supporter le service de sa dette si les taux d’intérêts seraient restés faibles. Malheureusement, l’Italie doit refinancer plus de 100 millions de dette dans les trois prochains mois, et les taux d’intérêts ont fortement accrus, parfois au-delà de 7%. La dégradation du rating engendre des taux d’intérêts élevés, et des coûts supplémentaires, ce qui peut finir par avoir comme conséquence un nouvel abaissement de la note.

Gel du marché interbancaire

L’incertitude cause par des notations instables crée un autre type de problème de refinancement. Les banques se prêtent et s’empruntent continuellement des liquidités à très courte échéance sur le marché interbancaire afin d’équilibrer leurs trésoreries. Lorsque les banques commencent à s’inquiéter sur de possibles pertes sur de la dette de la zone Euro et d’autres institutions, ils pourraient refuser de prêter des liquidités, même à très courte échéance provoquant ainsi un gel du marché monétaire. S’ils n’arrivent pas à se refinancer par d’autres moyens, les banques peuvent toujours, en dernier ressort, avoir recours à des emprunts auprès de la Banque Centrale Européenne (BCE). Il n’en reste que le refinancement à court terme peut devenir beaucoup plus difficile. Ainsi, la banque centrale américaine, Fed, a déjà eu à fournir des prêts d’urgence à la zone Euro.

Déplacement des risques vers les contribuables

Une forme invisible de la détérioration des finances apparaît également parce que les investisseurs du secteur privé se délestent de titres potentiellement risqués de la zone Euro, et que les institutions gouvernementales doivent absorber cet excès de l’offre. Que ce soient des investisseurs individuels qui cherchent à sécuriser leurs placements ou des banques qui tentent de se conformer avec des limites de risque plus strictes, les acheteurs d’obligations de pays de la zone Euro se font plus rares. Afin d’éviter une forte hausse des taux d’intérêts, la BCE a dû devenir active sur le marché et acheter des obligations. Un article récent du magazine Businessweek rapporte que la BCE devrait environ 500 milliards à la Bundesbank au titre de prêts à court terme pour le financement du négoce intra-européen. D’une manière ou d’une autre, les contribuables européens ou américains pourraient bien finir par payer l’ardoise.

Tout cela démontre que la dégradation des notes n’est pas simplement la constatation de faits accomplis. Ils sont en effet partie d’un mécanisme auto-alimenté qui empire la crise de la zone Euro. C’est la raison pour laquelle la situation pourrait devenir incontrôlable si les gouvernements ne taclent pas les problèmes très rapidement.